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Dans le cadre des actions du Programme AlphaB, nous partons à la rencontre d'associations qui rejoignent nos thématiques (alphabétisation, lutte contre l'illettrisme, enseignement du français, solidarité...)

Ce mois-ci, nous vous présentons l'association Hors la Rue

 

 

 

Au lendemain du match de la coupe du monde féminine France-Nigéria, j’ai rendez-vous avec l’équipe de Hors la Rue pour réaliser ce reportage.

Depuis 2004 l’association vient en aide aux mineurs étrangers isolés.

En France, le nombre de mineurs étrangers isolés est en hausse ces dernières années. Il a plus que doublé (1) entre 2016 et 2018, passant de 8.000 à 17.000. Un étranger mineur relève de la protection de l’enfance, mais pour cela il doit d’abord prouver sa minorité (2)C’est un véritable parcours du combattant, qui n’aboutit pas toujours. En attendant, ces jeunes vivent souvent dans des conditions extrêmement précaires.

Hors la rue, comme l’indique le site web ainsi que le rapport d’activité « repère, oriente et accompagne les mineurs en danger sur Paris et sa région ». Parmi ses nombreuses missions, celle de l’apprentissage du français en est devenue une régulière.

 

 

Apprendre le français à Hors la Rue

Crédit photo : Antoine Jean-Louis

 

Ce mardi 18 juin, j’assiste à un atelier de français animé par Mathilde et Victoire, respectivement volontaire en service civique et bénévole dans l’association.

Aujourd’hui, quatre apprenants sur les huit inscrits au cours sont présents. L’assiduité des élèves fluctue à cause de la précarité de ces mineurs.

Le cours de ce mardi porte sur l’adaptation de Pierre et le Loup que les jeunes sont allés voir à la Philharmonie. Mathilde demande :  Qui étaient les personnages ? Quels étaient le genre et le type de musique ? Qu’est-ce qui était raconté ? Qu’avez-vous ressenti ?

Chacun s’exprime sur le concert et expose sa vision de l’histoire. Mathilde propose aux jeunes de créer ensemble une histoire. Entre temps, deux autres élèves nous ont rejoints. Victoire explique comment construire une narration : il faut définir les personnages, le lieu, le but de l’histoire.

 

Les personnages seront Ali et Lara, un mouton et une tortue. Le lieu sera un village au Mali. Le But : Ali veut jouer de la musique et danser, la tortue est curieuse et veut rejoindre le groupe mais Lara en a marre de la musique.

A la fin de l’atelier, je rencontre Ana-Maria, qui est au secrétariat et également référente technique FLE. Elle m’explique que « Hors la rue n’est pas focalisée sur les ateliers de français, quand j’ai commencé comme bénévole, il n’y en avait pas mais c’est devenu très important au fil du temps. C’est devenu un repère. »

 

En plus de l’apprentissage de la langue, les cours de français permettent de renforcer la confiance en soi et l’autonomie des jeunes.

 

Afin de diversifier les cours, des ateliers et des sorties culturelles sont organisés, par exemple un atelier découverte de métiers, une visite du Louvre ou un partenariat avec la bibliothèque de Montreuil, qui offre des cartes aux jeunes afin qu’ils puissent emprunter des livres.

Les bénévoles sont aussi encouragés à organiser des activités en fonction de leurs envies et savoir-faire. Ainsi, une bénévole gérante d’un restaurant a proposé des ateliers cuisine, qui ont permis d’aborder diverses compétences linguistiques et transversales, comme les noms des fruits et légumes ou encore les unités de mesure.

Après chaque cours, les bénévoles font le bilan avec un éducateur: c’est l’occasion d’analyser comment s’est passée la séance, qui a parlé, qui était en retrait, sur quoi les jeunes ont travaillé.

 

 

Le fonctionnement de la structure

Hors la Rue compte 6 éducateurs à temps plein en CDI, ainsi qu’une art-thérapeute à mi-temps. Tous les jours, deux éducateurs, en binôme, organisent une maraude. Les maraudes consistent à repérer les jeunes mineurs étrangers dans la rue, et à essayer de les amener au centre. « Les jeunes rencontrés à Paris vivent pour la plupart dans des bidonvilles situés en Ile-de-France. »(3)

Au centre, les éducateurs ont 3 « casquettes », qu’ils endossent à tour de rôle :

 

 

  • Maitre de maison : en charge des courses, des repas, de la lessive
  • Animateur : en charge des activités de l’après-midi
  • Poste centre : en charge des appels téléphoniques, de la gestion de la base de données, de l’administratif.

 

L’association fonctionne en « entrées permanentes » : des jeunes sont accueillis et intégrés aux cours et activités à tout moment de l’année.

« Hors la Rue reste l’unique centre de jour où ces enfants étrangers peuvent accéder au quotidien à des services de première nécessité (douche, repas, vestiaire) et à un accompagnement éducatif individualisé »(4)

Ana-Maria et Mathilde rajoute également que, même lorsque les mineurs sont pris en charge par l’Etat, ils continuent de venir à Hors La Rue pour apprendre le français et participer aux activités proposées. En effet, même après avoir été placé en centre d’accueil ou a minima être hébergé en hôtel, les délais de scolarisation peuvent être très longs. Le travail d’Hors la Rue reste essentiel pour ces jeunes.

 

 

Rester enfant

Après l’atelier de français, toute l’équipe, élèves compris, préparent le déjeuner. C’est l’occasion de discuter d’un pénalty litigieux accordé aux françaises lors du match de la veille.

                                                                

Après le repas, je discute avec Mihail, qui fait partie de l’équipe des éducateurs. Après dix ans de carrière dans le théâtre, il est maintenant référent famille au sein de l’association.

Mihail m’explique que le rôle de Hors la Rue est aussi de redonner aux jeunes la possibilité d’être et de vivre comme des enfants et des adolescents, car « ce sont des enfants-adultes qui ont grandi trop vite ». Ils ont déjà un lourd bagage psychologique à cause de l’exil, de la vie dans la rue et de l’isolement. Ils vont devoir travailler plus que les autres pour apprendre le français, suivre leur scolarité et trouver un emploi.

 

  Crédit photo : Antoine Jean-Louis

 

Pour Mihail, le théâtre est un bon moyen pour leur redonner un peu d’insouciance, le temps d’une activité : « Quand ils arrivent ici, il y a plusieurs blocages : langagier mais également corporel et psychologique. La méthode théâtrale est très utile avec ces jeunes, elle leur permet de s’exprimer.»

 

Après cet entretien, je retourne avec les jeunes, qui profitent de leur après-midi libre. Entre la sieste et le baby-foot, certains se transforment en coach d’un jour. En effet le soir aura lieu un match de foot co-organisé avec Viacti, partenaire de Hors la Rue. Alors, les tactiques fusent sur un tableau blanc pour savoir qui jouera à quel poste. Et c’est vrai qu’à ce moment-là, la mission est accomplie : je suis entouré d’enfants, tout simplement.

Crédit photo : Antoine Jean-Louis

 



(1)Rapport d’activité annuel 2018, Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, juin 2019, http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAA-MMNA-2018.pdf

(2)Pour plus d’infos, voir « L’accueil et la prise en charge des mineurs isolés étrangers en France », 2017, France Terre d’Asile : https://www.france-terre-asile.org/images/stories/publications/pdf/La_prise_en_charge_et_l_accueil_des_MIE_pages.pdf

(3)Hors la Rue, Rapport d’activité 2018, p10

(4)Hors la Rue, Rapport d’activité 2018, p28

 

Jean-Pierre Coudouy pour le Programme AlphaB

 

Pour contacter Hors la Rue

70 rue Douy Delcupe 93100 Montreuil

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01.41.58.14.65