Le quartier Plaisance est situé dans le 14^ème arrondissement de Paris. Plusieurs hypothèses essaient de répondre à l’origine du surnom « Plaisance ». Des lieux de plaisirs au 18^ème siècle, une urbanisation structurée et prospère, un lotisseur, Alexandre Chauvelot, qui revendique la paternité du nom…

C’est donc parce qu’elle est située dans ce quartier, que l’association « Migrants Plaisance » a pris ce nom qui peut paraître curieux au premier abord. L’association existe depuis 1982, elle exerçait ses activités au sein d’un centre social, « une possible origine protestante » me dit Christian Julienne, président de l’association, qui me reçoit ce matin là.

Migrants Plaisance propose deux activités, l’accompagnement à la scolarité (AS) et des ateliers sociolinguistiques (ASL) pour adultes migrants. Pour gérer ces activités, l’association compte environ 75 bénévoles : 25 pour les cours de français et 50 pour l’accompagnement à la scolarité. Il n’y a aucun salarié, uniquement des bénévoles : « Même moi, je suis président mais je m’occupe également des réponses aux appels à projets, je fais du soutien scolaire et même du ménage ! » souligne Christian, activités qui lui prennent environ 30 heures par semaine quand même.

Le local est composé de trois salles, avec notamment un coin librairie, où les enfants peuvent emprunter des livres, et un espace informatique constitué de quelques ordinateurs. Pour d'autres activités, notamment les ASL, des salles supplémentaires sont mises à disposition dans le quartier.

L’accompagnement à la scolarité

60 enfants sont inscrits. Ce sont les élèves des écoles environnantes qui bénéficient de cette activité. L’école sélectionne les enfants du CP au CM2. Toutefois, certains, suivis depuis plusieurs années, sont maintenant en 6^ème ou en  5^ème. Bien entendu, les ateliers ont lieu après l’école, en semaine. Il y a de l’aide aux devoirs « mais pas que, car sinon, il suffit que l’élève ne marque pas ses devoirs sur le carnet pour n'avoir rien à faire ». Les bénévoles utilisent beaucoup les tablettes, qui se révèlent des outils pratiques et interactifs pour travailler le vocabulaire. En effet, souvent les élèves en difficultés savent lire le mot mais ne le comprennent pas ou ne l’ont jamais rencontré : la tablette permet par exemple mettre en image le mot. En plus de l’accompagnement à la scolarité, l’association propose des sorties culturelles : théâtre, exposition, cinéma… Ces sorties ont lieu le dimanche, pour associer le plus possible les parents, afin que ces derniers soient impliqués. L'objectif de ces sorties est d'encourager la découverte de nouveaux espaces, mais surtout de favoriser le lien social et de permettre des temps conviviaux également pour les familles. En plus de ces activités, il y a également deux spectacles, l’un à Noël et l’autre en fin d’année qui sont offerts aux enfants dans les locaux de l’association (un conte, un magicien…).

Pour Christian, le retard scolaire de certains enfants peut s’expliquer par deux éléments importants : «  Les enfants arrivent à l’école sans avoir lu leurs leçons. C’est un réflexe qui n'est pas acquis par tous les enfants et qui dépend notamment des conseils apportés au sein des familles. De plus, les enfants qui ont du retard sur les autres ont souvent une mauvaise image d’eux même, qui commence très tôt... »

Les cours de français

Pour ce qui est des ASL, l’association compte 120-130 inscrits en début d’année, pour 60-70 assidus. Les groupes sont constitués de 12 personnes maximum, généralement 8 personnes restent assidues tout au long de l'année. Cette irrégularité est souvent due à la précarité des apprenants. Il y a 38 nationalités différentes, en majorité des personnes venant d’Afrique Subsaharienne et du bassin méditerranéen. Les groupes sont organisés par niveau, l’objectif général étant que chacun puisse à terme atteindre le niveau A2 du CECR. Mais il y a parfois des suivis au delà de ce niveau pour certains apprenants (l’association les encourage à passer des examens même au-delà du niveau A2).

Pour organiser ces cours, une bénévole s’est portée référente pédagogique, elle organise notamment 5 réunions de coordination dans l’année.

Migrants Plaisance propose aussi des ateliers thématiques : conversation, préparation aux examens, initiation informatique, préparation à l’emploi, citoyenneté. Parfois, il y a une inversion des rôles, les apprenants donnent des cours aux bénévoles dans leurs langues, ce qui permet une valorisation des personnes, de leur culture et de leurs compétences. Elle met aussi l’accent sur des sorties culturelles, une a deux fois par mois, au musée ou au cinéma par exemple.

Par ailleurs, l’association pousse un peu plus loin cette ouverture culturelle, en prenant appui sur les compétences artistiques ou techniques des bénévoles : vidéastes, photographes… C'est ainsi qu'a émergé un projet de pratique artistique : durant un certain temps des appareils photos et des caméras ont été confiés aux apprenants, avec la simple consigne d'enregistrer  leur quotidien. Ce projet a donné lieu à une exposition, constituée de photos, de vidéos et de textes personnels, à la Maisons des Pratiques Artistiques Amateurs durant 3 années de suite.

Les apprenants publient également un journal, deux fois par an, dans lequel ils racontent avec leurs mots leur quotidien. Celui-ci est souvent teinté d’amertume, s'ils ne racontent pas tout ce qu’ils ont vécu, il y a toujours la nostalgie du pays d’origine, de la famille et des amis.

Globalement, Il y a une bonne ambiance dans les cours, d’autant plus que certains bénévoles sont diplômés d’un master Français Langue étrangère (FLE) ce qui est une sorte de « donnant donnant » dans leurs parcours (c’est toujours un plus sur le CV).

(photos de l'exposition fournies par l'association)

Christian évoque cependant la fragilité de ces ateliers. En effet, la question du financement est complexe, les fonds de l’association reposent sur les soutiens de la ville, de l'Etat et de la Préfecture). Or les nouveaux critères d'obtention des subventions du BOP 104 (l’appel à projets) compromettent le maintien des ASL. En effet, le BOP 104 exige désormais les numéros de CIR (Contrat d'Intégration Républicain) des bénéficiaires des actions subventionnées, or toutes n'ont pas ce numéro, puisque l'objectif de l'association est l'enseignement du français, sans discrimination en fonction du statut. Christian me parle également de cette apprenante, née à Paris, partie Egypte à l’âge de 3 mois. Revenue en  France à 25 ans, elle est légalement française, mais ne parle pas français. Elle suit ainsi les cours dispensés par l'association, bien qu’elle ne remplisse pas les conditions du Bop 104.

Pour finir, c’est cette grande symbiose entre apprenants et bénévoles qui semble se dégager de l’association Migrants Plaisance qui m’a marquée, notamment dans les activités culturelles et la mise en valeur de l’autre. Ainsi, pour conclure, voici un petit texte d’un apprenant produit en atelier et présenté à l’exposition :

« Mon corps a quitté mon pays d’origine parce que je n’ai pas trouvé ma liberté, si je suis parti de mon pays d’origine pour des raisons justes mon corps n’arrivait pas supporter l’injustice le manque de liberté le corps s’enfuir comme un oiseau qui quitte son nid il vole encore vole. Je suis ici en France mon corps a changé.

Mes habitudes aussi.

Rien n’empêche.

Je n’oublierai jamais mon enfance.

Je me souviens de mon premier voyage de quitter mon beau village, pour exilé d’avoir une vie meilleure.

Loin de ma famille j’ai vieilli je pense toujours à mes amis que j’aime.

Je me souviens de mes balades dans les champs ».

Jean-Pierre Coudouy pour le Programme AlphaB

Pour contacter Migrants Plaisance

migrants.plaisance[a]wanadoo.fr

01 45 39 28 80 / 06 82 61 48 64