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L’égalité des chances structure

les contrats d’accompagnement à la scolarité (CLAS)

 

A ce titre, ils se mobilisent davantage sur l’égalité entre filles et garçons,

levier de réussite efficace.

 

 

Le CLAS compte parmi les nombreux dispositifs en faveur de l’enfance et de la jeunesse (1), piloté par un Comité départemental regroupant, pour Paris, le préfet, la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), l’Académie, la Caisse d’allocations familiales (Caf), la Ville et le Département. Au-delà de la gestion des appels à projets et des financements annuels orientés sur des enjeux parisiens prioritaires, ce comité s’efforce d’enrichir réflexions et pratiques à travers conférences, forums et ateliers.

 

Dans ce cadre, une conférence sur le thème "l’égalité filles-garçons, comment agir dès l’enfance" a été organisée au printemps dernier. En introduction, le directeur de la DDCS, Eric Lajarge, rappelait la perspective : passer du postulat à sa concrétisation pour tous publics et territoires (2). Il réaffirmait aussi la place primordiale de l’Education quand le principe d’Egalité se heurte à la stigmatisation, la relégation et la radicalisation. Autre préoccupation : proposer des temps de recul aux professionnels et les accompagner face aux tensions et complexités du moment.

Intervenant en tant que membre associée du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE/fg), Sonia Lebreuilly a situé son propos en référence à sa formation et à ses missions de sociologue et socio-sexologue. Elle l’a également inscrit dans un contexte juridique qui évolue et dans un corpus d’études et de recommandations officielles (3). Son exposé en trois points a été perspicace : mesurer les écarts entre filles et garçons, comprendre et décrypter les stéréotypes de sexe, proposer des pistes pour y remédier dès le plus jeune âge.

Le temps du débat est resté très ouvert, évitant l’écueil des crispations comme souhaité par Mme Dominique Lavarde, chargée de la thématique intégration linguistique, des dispositifs CLAS et OEPRE (Ouvrir l'Ecole aux Parents pour la Réussite des Enfants) à la DDCS Paris.

La matinée s’est prolongée par un forum associatif où le Centre Hubertine Auclert était naturellement présent au milieu d’autres acteurs (4) venus illustrer comment articuler convictions et actes avec pragmatisme.

 

 

 

Pour cette rentrée scolaire 2016, quatre points saillants sont à retenir pour aborder la problématique "égalité filles-garçons".

 

Point 1 : les données statistiques dévoilent d’incontestables inégalités femmes-hommes au cours de la vie (5). Les filles sont majoritaires dans les filières littéraires (78,9% pour le bac L) et du travail social (91,8% pour le bac professionnel de la santé et du social) et minoritaires parmi les étudiants en formation d’ingénieur (27%). Dans les secteurs professionnels, les femmes représentent : environ 37% des personnes à l’antenne pour les secteurs fiction et information, taux réduit à 16% pour le sport ; 28% des créateurs d’entreprise ; 2,1% des ouvriers qualifiés dans le Bâtiment ; 0% dans les CA ou Comité de surveillance des sociétés cotées en bourse. Le fameux plafond de verre reste vivace en France, accentué par la disparité des salaires (tous temps de travail confondus, les hommes gagnent + 23,5%). Contraste supplémentaire : 37,3% des licenciés dans l’ensemble des fédérations de sport sont des femmes mais leur part culmine à plus de 80% pour la danse et la gymnastique, disciplines très connotées. De surcroît, les calculs concernant les violences confirment la gravité des disparités : les femmes sont trois fois plus souvent victimes de violences sexuelles que les hommes ; 80 à 90% des personnes prostituées sont des femmes ! Quels systèmes sont donc à l’œuvre en amont de ces chiffres ?

 

 

Point 2 : les représentations stéréotypées filles / garçons relèvent d’un processus complexe, souvent invisible, et légitiment des discriminations (6). Leur principe : attribuer des caractéristiques positives ou négatives à une personne en fonction de son sexe ; ce qui contribue à en priver les autres ou à les enfermer dans des schémas limités, voire humiliants. Loin de confondre filles et garçons, les stéréotypes sont des croyances (sans preuves) qui instaurent des rôles de sexe prescripteurs de pratiques et de hiérarchies. Ils ont une dimension évaluative et normative, avec des archétypes variables selon les sociétés. Les traits psychiques et les comportements assignés sont souvent intériorisés dès le plus jeune âge, impactant performances et confiance en soi. Ils infléchissent de nombreux parcours de vie, induisant souffrances et pénalités.

Repérer les mécanismes et les formes des stéréotypes de sexe pour pouvoir les mesurer et les dénoncer est important. Ainsi, Sonia Lebreuilly a analysé en direct plusieurs visuels et séquences vidéo. C’est surprenant de pouvoir saisir la force des stéréotypes à travers mots, couleurs et attitudes dans une Maternité : la fille sera mignonne et douce, le garçon robuste et tonique. Egalement instructif de voir combien l’esthétique des publicités masque la part d’évidence et de violence des stéréotypes véhiculés. La moitié d’entre eux opposent féminin-inactive/passive à masculin-actif/meneur. Plutôt rassurant de savoir que les enseignants disposent de grilles d’indicateurs permettant d’évaluer la présence de stéréotypes sexués dans les manuels scolaires (centre Hubertine Auclert).

Les observations de terrain montrent combien les réflexes peuvent modéliser places et motivations des enfants de manière involontaire. Par exemple : l’instituteur sollicite majoritairement les garçons en mathématiques et les filles en français. L’agitation est moins bien tolérée chez les filles que chez les garçons. Ces derniers se déploient largement dans la cour de récréation, en position dominante comme pour les activités sportives. Cela contribuerait-il à ce que les adolescentes de 16-25 ans soient en retrait dans leurs prises de parole ? Comment agir et avec qui pour enrayer ces systèmes et automatismes trop méconnus ?

 

Point 3 : "aller auprès" des personnes, dans le cercle enfants - parents - enseignants/éducateurs pour ouvrir le chemin de l’égalité filles-garçons. Les outils, ressources et relais permettant d’agir sont nombreux et accessibles. Leur visée : éviter d’enfermer les garçons et les filles dans des schémas prédéfinis pour qu’ils puissent tous développer leurs potentialités ; créer les conditions d’un respect mutuel filles-garçons ; introduire les références aux femmes dans toutes les disciplines ; favoriser des modèles identificatoires égalitaires dès la petite enfance...

Il s’agit de développer les occasions pour éveiller, former et mobiliser les parties prenantes. A chaque adulte d’interroger sa démarche et sa marge d’intervention, sans culpabilité et dans la durée : quels sont mes critères pour le choix des jeux, livres, habits et activités entre filles et garçons ? Quels vocabulaire, espace et imaginaire je favorise pour l’un ou l’autre ? Comment je m’adresse à chacun et suscite le dialogue ? Sur quels sujets je mobilise la curiosité et l’engagement des filles et des garçons ? Est-ce que je privilégie certaines orientations scolaires, ludiques, culturelles pour l’un ou l’autre ? Ai-je des attentes différenciées ?

Côté enseignants et éducateurs, la mission est à centrer sur l’enfant citoyen, hors débat culturaliste, avec la nécessité d’informer les parents sur les programmes et pédagogies déclinés en classe. Parmi les démarches transversales avec résultats : l’éducation à la sexualité et aux médias, jeux concours, théâtre forum et fête de la science.

Côté mère et père, la question centrale sera l’équilibre des places et des fonctions auprès de leurs enfants, dans leur éducation et leur vie quotidienne.

Côté filles et garçons, c’est avoir "le choix des possibles", pouvoir s’exprimer et être écoutés qui comptera. Et ce, en groupes mixtes ou non, selon des besoins, maturité et contextes individuels fluctuants.

Il est aussi impératif d’agir au-delà des acteurs, sur leur environnement quotidien, avec des axes de sensibilisation et d’incitation fermes.

 

Point 4 : rester vigilant et optimiste. Mieux comprise, la chasse aux stéréotypes de sexe progresse et devient moins clivante. Les recherches sont attentives aux processus à l’œuvre. L’école s’y investit peu à peu de même que la famille, lieux majeurs de socialisation des enfants. Informations et formations se multiplient. Le réseau associatif est actif. Certaines entreprises et enseignes se repositionnent d’ailleurs sur cette question. Des politiques volontaristes se développent pour l’égalité réelle femmes/hommes à travers lois, conventions, programmes scolaires et finances publiques (l’éga-conditionnalisation).

Légitimée, une égalité filles-garçons tranquille, sans tabou ni dramatisation, devient possible.

D’autant que les limites seront interrogées : comment ne pas filtrer la réalité à travers le seul prisme du sexisme ? Comment aborder l’égalité filles-garçons en dehors des cultures et croyances ? Comment faire place aux hommes dans un débat forcément mixite ?

Si des résistances subsistent, le mouvement gagne du terrain avec discernement, passe de quête à exigence continue à la faveur de tous.

Quitterie CALMETTES

Correspondante pour le Programme AlphaB, Tous bénévoles

 

 

(1) Le CLAS permet de soutenir, en dehors du temps de l’École, des enfants et des jeunes dans leur travail scolaire et leur épanouissement culturel et citoyen. Il vise aussi le soutien et l’accompagnement des parents dans les différentes étapes de la scolarité de leurs enfants. La charte nationale du CLAS a fêté ses 15 ans en juin dernier.

(2) La branche Famille de la Sécurité sociale a adopté l’appellation "Publics et territoires" pour l’un de ses fonds, dotation d’action sociale des CAF. Voir la circulaire suite à la convention d’objectifs et de gestion signée avec l’Etat pour la période 2013 à 2017. En savoir plus

(3) Sites de référence :

(4) Participants au forum associatif : Action Jeunes AJ, Centre social Archipélia, D’Ici d’Ailleurs, L’ACORT, Paris Macadam, la Cie Confidences, Ludothèque Nautilude, Centre Hubertine Auclert

(5) Chiffres clés des inégalités femmes-hommes

http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr/publications/droits-des-femmes/egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/vers-legalite-reelle-entre-les-femmes-et-les-hommes-les-chiffres-cles-lessentiel-edition-2016/

http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/reperes-statistiques-79

(6) Etudes du HCE/fg, "Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes", N°02-avril 2014, p. 33-43.

 

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