La 1^ère semaine de l’intégration à Paris (1)a été inaugurée le 9 mai dernier en Préfecture d'Ile-de-France, par le préfet Jean-François Carenco, en présence de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement et de la Recherche, et de François Weil, Recteur de la région académique d'Ile-de-France, Chancelier des Universités de Paris.

Le documentaire "Classe d’Accueil" (2), présenté par la direction du CASNAV et réalisé par Vincent Dumesnil au sein du lycée Paul Valéry de Paris, a ouvert cette semaine parisienne. Cette projection a d’emblée situé l’accès à la langue française comme le sésame de l’intégration et ce dispositif destiné à scolariser les enfants migrants comme exemplaire des valeurs républicaines défendues par l’École.

 

Filmé de l’intérieur avec la parole des jeunes (classe de 25 élèves de 15 à 18 ans, de 20 nationalités différentes), le quotidien de cette Classe d’Accueil prend vite une autre profondeur de champ quand le défi est à la fois d’apprendre le français en 12 mois et de construire son orientation ultérieure !

 

Plusieurs mots cléssont à retenir, parmi d’autres :

Le groupe : celui des jeunes, facteur d’intégration, d’entraide et de motivation entre pairs (on y arrive par le "soutien mutuel") ; celui des enseignants, indispensable pour interroger l’évolution des élèves, croiser les avis et choisir au mieux, en équipe.

Le parcours : celui d’un jeune - adolescent et élève - en quête d’identité comme d’un avenir professionnel. Celui d’un migrant dont les situations traversées sont souvent indicibles et dont l’itinéraire familial reste plein d’incertitudes ; tel ce réfugié syrien contraint à un second exil après avoir perdu père et cousin. Le courage et la lucidité répondent souvent à ces réalités humaines complexes voire paradoxales ; "si nous faisons des efforts, nous allons réussir", cette classe représente pour moi "une aventure fondatrice".

L’accueil : envers la nouvelle culture, à découvrir et s’approprier ; envers les jeunes migrants, dans le respect des différences individuelles et du cadre commun.

L’appétence : celle des élèves pour des apprentissages rudes mais émancipateurs ; celle des enseignants pour accompagner et transmettre avec imagination. Les scènes de vie portées à l’écran sont plutôt joyeuses et enthousiastes, ponctuées de sourires et plaisanteries.

L’exigence :pour un enseignement qui ne se fasse pas au rabais ni dans le leurre. A travers des programmes denses mais salvateurs, à l’instar de cette consigne "apprendre 600 mots en 60 jours". A travers des décisions difficiles à prendre, comme d’expliquer à ce jeune qu’il doit renoncer à son rêve de faire médecine ou de faire comprendre à cet adulte ce que recouvre l’autorité parentale en France.

L’adaptation : avec des conditions et méthodes d’apprentissage diversifiées, toujours en souplesse. La poésie y a sa place, pleine d’émotion, de rythme et de rigueur. La photographie contribue à retrouver l’estime de soi, à façonner des repères au-delà des aspects techniques abordés. Quant aux jeux de rôle, ils favorisent d’autres postures et expressions, d’autres mots, gestes ou accoutrements parfois malicieux.

 

En guise de débat, le micro a circulé parmi les anciens élèves des classes d’accueil Paul Valéry et Jean de La Fontaine (Paris). Ils ont témoigné de leur expérience avec émotion, fierté et reconnaissance ; leur aisance et la clarté de leurs propos égalant leur sagacité. Côté auditoire, ministre, préfet, recteur, professeurs et public partageaient alors une même écoute admirative et troublée, un même constat mobilisateur. Chacun avait aussi conscience du nombre de jeunes migrants qui n’ont pas accès à ces dispositifs vertueux malgré l’augmentation des moyens et capacités d’accueil. Un effort souligné par Najat Vallaud-Belkacem renvoyant à l’appel introductif de Jean-François Carenco "Pour avoir une société sereine, on a besoin d’intégrer par tous les moyens".

 

En perspective d’action, ces derniers ont signé la Convention pour la promotion de la réserve citoyenne de l’Éducation nationale (3) : l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur devient ainsi l’une de ses ambassadrices nationales.

Le public a été convié à une vingtaine de manifestations associatives et institutionnelles autour de l’accompagnement des femmes âgées migrantes, l’accès à la santé ou encore à la lutte contre les stéréotypes et les préjugés (semaine du 9 au 14 mai).

Et au-delà, cette inauguration ne serait-elle pas l’occasion de susciter les initiatives, individuelles ou collectives, en faveur de l’accueil et l’inclusion des personnes étrangères, pour une société bienveillante et généreuse 52 semaines par an ?

 

 

 

 

(1)Une  semaine complète du 9 au 14 mai avec 20 initiatives en Ile-de-France, à travers colloques, expositions et ateliers.

Voir le compte-rendu de la rencontre du 12 mai à la BNF : "Construire l'accueil par la langue et la culture. Comment faire des actions culturelles un levier d'apprentissage du français pour des publics primo-arrivants et les publics fragilisés socialement ?"
Lieu : Bibliothèque nationale de France.

 

(2) Le film (2014, 52 mn) : scénario et réalisation de Vincent Dumesnil,coproduit par Alif Productions - CINAPS TV, avec la participation du Centre Nationale de la Cinématographie et de l'Image Animée et le soutien du Fonds Images de la diversité de l'ACSÉ (Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances).

 

Une classe d'accueil (CLA) est une classe pour enfants nouvellement arrivés de l'étranger et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française orale ou écrite. Les élèves arrivent à différents moments de l'année scolaire. Ils restent en CLA en moyenne une année. L'objectif de la classe est l'apprentissage du français de scolarisation : on commence par apprendre le français de la vie quotidienne, on découvre la culture française, mais on apprend surtout le français du collège (organisation du collège, manières de travailler, présentation des leçons, consignes des exercices et des évaluations, ...).  

Au mois de Mai, les élèves passent le DELF, Diplôme d'Etude de la Langue Française. En fonction de leur niveau en français, de leur âge, de la date de leur arrivée en France, les élèves seront progressivement intégrés dans une classe de 6^°, de 5^°, de 4^° ou de 3°.

Un CASNAV est un Centre Académique pour la Scolarisation des enfants allophones Nouvellement Arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs. Il a pour mission d'accompagner la scolarisation de ces élèves, sans maîtrise suffisante de la langue française ou des apprentissages scolaires, et la scolarité des enfants du voyage. Chaque académie dispose d’un CASNAV.

 

(3)La Réserve citoyenne de l’Éducation nationale, lancée le 12 mai 2015, offre à tous les citoyens la possibilité de s’engager bénévolement pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République à l’École, aux côtés des enseignants (inscrite au cœur de la Grande mobilisation de l'École).