Décembre 2014. Le gouvernement semble prendre de l’avance sur les « bonnes résolutions » 2015 : il a décidé de s’attaquer à des sujets cruciaux si ce n’est clivants. Parallèlement à la réforme de l’éducation prioritaire, le 9 décembre un débat sur le droit d’asile a été ouvert à l’Assemblée Nationale. Mardi 16 décembre, les députés ont voté en faveur de ce texte à 324 contre 188 et 29 abstentions en première lecture.
Qu’en est-il exactement de cette réforme?
Photo du journal Les Echos
De manière synthétique, le nombre de demandeurs d'asile en France augmente : 35 000 en 2007, 60 100 en 2013. Cette augmentation semble régulière si l’on en croit les chiffres de l’INSEE : en 1999 les immigrants représentent 7,4% de la population française, puis 8,2% en 2006 et 8,7% en 20111. Si en valeur absolue les chiffres paraissent importants, rapportés à la population française, ces chiffres situent la France dans la moyenne par rapport à ces voisins européens. Rappelons enfin que les trois quarts des demandes d’asile sont rejetées en France. En conséquence, les infrastructures d’accueil manquent : il y a aujourd’hui 25 000 places alors qu’il en faudrait 20 000 de plus selon de nombreuses associations2. Ainsi, environ un tiers des demandeurs doivent se loger par leur propres moyens.
Aux origines de cette réforme : une demande de l’Union Européenne pour revoir la durée des demandes d’asile jugée trop longue (deux ans). Plusieurs directrices ont contraint la France à modifier ses pratiques avant le 1er juillet 2015.
Ainsi, le 23 juillet dernier, deux projets de loi ont donc été présentés en Conseil des Ministres, l’un relatif au droit des étrangers, l’autre à l’asile3. Ces textes, portés par Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur, « visent à simplifier le droit au séjour des étrangers en France et à réformer en profondeur le droit de l’asile notamment en réduisant les délais », lit-on sur le site du gouvernement (page réforme du droit d'asile)4. La socialiste Sandrine Mazetier en est le rapporteur à l’Assemblée Nationale.
Avant même l’examen du Parlement le 9 décembre, certains médias et personnalités politiques et s’emparaient déjà de ce sujet controversé. Parallèlement, le Président de la République procédait lundi 15 décembre à l’exposé de son premier discours sur l’immigration depuis le début de sa mandature, lors de l’inauguration de la Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration, situé dans le Palais de la Porte Dorée à Paris. Le ton est donc donné en cette fin d’année 2014.
En s’appuyant sur les textes du gouvernement, les objectifs de cette réforme sont fondamentalement de :
Renforcer les garanties des personnes ayant besoin d'une protection internationale et réduire à 9 mois (au lieu de 2 ans actuellement) le délai moyen d'examen des demandes d'asile;
Mettre en place des nouvelles procédures d’examen rapide des demandes : une nouvelle procédure accélérée mise en œuvre par ou sous le contrôle de l’OFPRA;
L’opposition ne manque pas de créer la polémique. Elle juge cette réforme financièrement trop ambitieuse et surtout trop laxiste sur la question du renvoi des déboutés dans leur pays. Sans surprise, le 16 décembre dans la matinée à l’Assemblé Nationale, l’UMP a voté contre.
Eric Ciotti, député UMP, qui s'est fait entendre régulièrement au sujet de cette Réforme; photo métronews
Du côté associations, la réduction des procédures est une demande de longue date. Cette réforme est donc dans l’ensemble bien accueillie.
Toutefois, certaines d’entre elles font remarquer que l’accélération des procédures ne doit pas condamner l'analyse complète des parcours complexes des demandeurs.
Le dispositif d’hébergement spécifique, mis en place pour désengorger Paris et Lyon, est également jugé contraignant pour certaines. « C’est-à-dire qu’on imposera au demandeur d’aller dans un centre en particulier, dans un département bien précis, faute de quoi il perdra son allocation temporaire d’attente de 330 euros par mois » explique RFI à ce propos5.
Enfin, la question des moyens financiers est également soulevée au regard de la nécessité d’offrir des conditions d’accueil dignes : certaines associations considèrent que le budget de cette réforme (600 millions d’euros, comme les années passées) est insuffisant.
Ce bref tour d’horizon posé, il nous reste à rappeler que le texte n’en est encore qu’à sa première lecture à l’Assemblée Nationale. Nous vous tiendrons informés des suites données à ce texte !
1 Voir les chiffres de l'INSEE sur l'immigration
2 « Ces moyens supplémentaires, là aussi, tout le monde les réclamait. Le nombre de demandeurs d'asile ne cesse en effet d'augmenter : de 35 000 en 2007, ce nombre est passé à 66 000 en 2013, les trois quarts des demandes étant rejetées. Mécaniquement, les infrastructures d’accueil manquent : il y a en effet 25 000 places aujourd’hui, quand on estime qu’il en faudrait au minimum 20 000 supplémentaires » lit-on dans un article RFI en date du 16/12/2014 : "La France réforme son droit d'asile"
Par ailleurs, le Directeur général de France Terre d’Asile, Monsieur Henry fait le même constat dans une interview accordée à Ouest France le 09/12/2014
En outre, « suite à la conférence nationale contre la pauvreté des 10 et 11 décembre 2012, le Gouvernement a décidé de créer 4 000 nouvelles places de CADA entre le 1er juillet 2013 et le deuxième semestre 2014, ce qui portera le nombre total de places à 25 410. » explique-t-on sur le site du Ministère de l’Intérieur;
Consultez le blog Xenodoque (blog abonné du site Le Monde) qui nous livre également quelques indications chiffrées
3 Consultez les deux projets de lois
4 L'information officielle sur la réforme : c'est sur le site du gouvernement et sur celui du Ministère de l'Intérieur
5 Article RFI précité : "La France réforme son droit d'asile"